Chasse dans le cometierre ( minuit moins quart)

Trop occupé à se réjouir de la souffrance de Nightmare, Balthazar avait laissé échappé sa proie agonisante. Maugan s'était diriger chancelant vers une grotte noir et dégoûtante. Balthazar était peut-être sous un élan d'adrénaline, mais avec la pleine lune qui le nourrissait déjà de ses derniers rayons - ce qui avait pour effet de diminuer sa force mais de contribuer à son rationalisme - il était bien capable de renifler le piège qu'on lui tendait à l'intérieur de cette crypte. Détournant le regard vers la crapuleuse Nightmare à nouveau, il réalisa que sa vicieuse attaque se retournait maintenant contre Damael. Il soupira. Puis, peut-être en même en temps que le tonnerre grondait, Balthazar esquissa un rictus de dents acérés qui ne fut visible que lorsque l'éclair fit trembler le sol à environ 50 mètres d'eux quelques secondes après ce tonerre lui correspondant. Il avait un plan, simple mais ingénieux. Il s'approcha de Nightmare, celle-ci le vit venir et tendit dangereusement la faux dans sa direction. Mais au moment ou elle l'attaqua, Balthazar la bloqua si violent de sa gigantesque paume qu'elle en perdit l'arme. Balthazar saisit sa tête de cette même main maintenant saignante, la souleva dans les airs et fracassa sa colonne vertébral d'un puissant coup au dos. Tout ça, avant même qu'elle ne puisse envisager la moindre contre-attaque. Elle n'était maintenant qu'une simple tête parlante, n'ayant plus aucun contrôle sur ses jambe et bras. Elle le regardait à travers ses cheveux pourris et le maudissait dans une langue incompréhensible et lui crachant dessus.

- Tais toi !

Dit-il avant de lui arracher la langue pour ensuite la jeter par terre. Puis, tranant son corps derrière lui, il marcha vers la grotte d'une démarche assez lente - car ne faut-il pas oublier qu'il a les deux côtes en compôte - mais déterminé. Il jeta en chemin un clin d'oeil à Damael qui semblait fatigué, mais continuait de se battre contre les zombies qui continuait de se ruer sur lui. Il le laissait se battre tranquille et se concentra sur son subterfuge. Nightmare lui lançait encore d'horribles regards haineux, n'étant plus capable d'autre chose que la vue et l'ouie. Elle trainait sur le sol, à la merci de Balthazar. Arrivé à la cavité de la grotte, il la souleva, la tendit devant lui et entra, disparaissant dans le noir.

La flêche la traversa au niveau du foie et vint piquer légèrement le garou. Il la regarda, l'agrippa pour la retirer mais fut alors surpris par la charge du mort-vivant. Il ne s'était pas attendu à un acte aussi futile et désespéré de sa part. Ainsi se retrouvait-il coincé sous une cracasse vieille de plus d'un siècle et un mort-vivant animé d'une rage de berseker. Une horrible odeur empestait ses narines, ses côtes se manifestèrent de nouveau, autant que son ouie qui semblaient maintenant vouloir s'écrouler à chaque tremblement du tonnerre, mais il n'avait pas encore fini et il était toujours vivant. Passant ses bras autour de Nightmare, il attrapa le cou de Maugan de l'autre côté et pressa de toutes ces forces. Il n'essayait évidemment pas de l'étouffer, car Maugan n'avait pas besoin d'air pour vivre, mais plutôt de lui écraser son cou sur lui-même. Il ancra solidement ses griffes dans le cou et commença à compresser pour déchirer ses tissus et ses os pourris.

*Puis je lui trancherai la tête, je l'empaillerai et l'afficherai dans mon bar*

Pensa-t-il par la suite. Le tonnerre gronda de nouveau et un éclair éclaira le ciel à moins de vingts mètres. Il était temps d'en finir avec ce combat.

L'air entier trembla lorsque la lourde porte de pierre de la crypte se ferma brutalement, comme pour cacher au ciel les horreurs qui étaient sur le point d'être commises. Il s'en était fallu de peu pour que la porte ne vienne frapper la tête de Balthazar, chose qui l'aurait assommé, peu importe son endurance. Désormais, la crypte baignait dans les ténèbres, les quelques soupirails ne laissant guère passer beaucoup de la lueur de la lune, qui de toute façon était cachée par les nuages. Même le bruit du tonnerre était étouffé et semblait distant. Quand la foudre frappait, il n'y avait guère plus de lumière, mais... Aucun de ceux qui se tenaient dans la crypte ne s'en trouvait handicapé. Et bientôt, il y en aurait un qui mourrait. C'était inéluctable.

On aurait dit que le garou avait mis sa main dans un tas de boue avant de serrer. Du moins, la chair de Maugan avait exactement la même consistance à présent. Le colossal mort-vivant recula en se redressant, laissant une bonne partie de la chair liquéfiée de son cou dans la main de son adversaire, puis il tituba légèrement, avant de se reprendre et de donner un formidable coup de poing latéral, qui arracha le corps de Nightmare des mains de Balthazar, l'envoyant s'étamper dans le mur. Puis, une main démesurée s'ouvrit, et fondit sur le garou, profitant de sa légère désorientation pour l'achever. Il n'y avait plus que des orbites noires, malsaines, pour tenir lieu d'yeux à Maugan, et pourtant on aurait dit que ces trous béants luisaient d'une lueur rouge sang. Un grognement terrifiant s'échappa de sa bouche, malgré qu'il n'ait plus de cou pour produire ce son, et il écarta encore un peu plus les doigts. Désormais, il était si proche du garou, si proche... Il n'avait qu'à fermer la main pour lui broyer le crâne. Puis, ce fut la fin. Tout devint noir. Et la vie, ou plutôt la non-vie de Maugan se termina, sa haine se dissipa, tel un spectre qui aurait été exorcisé. Toute son existence de meurtre se dissipa en un instant. Tout ce qu'il restait à présent de lui, c'était des souvenirs, ceux de Balthazar, ceux des autres mort-vivants, ceux des chanceux qui lui avaient échappé. Et une armure. Une énorme masse de métal, inerte à présent, tout à fait innoffensive, mais légèrement épeurante. Une armure vide, sans aucune raison d'exister. Mais Maugan n'en avait pas fini avec son adversaire. Malgré sa mort, il finirait ce qu'il avait entamé.

Des murmures se firent entendre, flous mais incroyablement nombreux. C'était comme si des milliers de gens chuchotaient tout autour de Balthazar. Puis, le gant de l'armure entra finalement en contact avec lui, tout doucement, comme s'il n'avait voulu que le toucher. Autrefois, c'était Maugan qui avait choisi d'entrer dans l'armure. Aujourd'hui, c'était l'armure qui avait choisi le garou. Et la crypte disparut, laissant la place au vide absolu, puis à une lueur aveuglante. Tout ce qui se passait désormais n'était qu'imaginaire, mais les répercussions seraient néanmoins gigantesques. Il y avait désormais une gigantesque porte dorée, ornée de centaines de sculptures macabres, et des brasiers brûlaient tout autour. Une vague impression de meurtre, accompagnée d'une odeur de sang, imprégnait l'endroit, sombre malgré les dizaines de brasiers qui l'éclairaient. Les murmures revinrent, insistants, mais toujours aussi intangibles, jusqu'à ce qu'une voix les domine tous, les forçant à se taire. Et pourtant, cette voix était calme, douce, faible comme un chucotement insidieux et amusé...

-Pour l'éternité, combattre et prouver sa force... Pour toujours, être aussi fort que lors de la pleine lune... À jamais, être le plus grand guerrier qui soit... Et peut-être mourir de la plus belle mort qui soit, celle au combat... Jamais ne vieillir de devenir inutile... C'est cela, la non-vie...

Une poignée se dessina sur chacune des deux portes dorées, de taille normale, comme pour inviter le garou à ouvrir les énormes masses de métal qui faisaient aisément douze mètres de haut et deux mètres de large. Le taille était ridicule, si petite par rapport à celle des portes, mais pourtant, il n'y avait aucun doute possible : en tirant sur elles, les portes s'ouvriraient. Et de nouveau, la voix se manifesta, insistante et brûlant de ferveur :

-Balthazar, franchis ces portes et deviens le digne successeur de Maugan! Prends son armure, surpasse-le, et deviens le plus grand guerrier qui soit, celui qui sera reconnu à travers le monde entier comme étant l'ultime combattant!

Le sort en était jeté. La dernière volonté de Maugan, celle de tuer Balthazar, prenait forme sous cette terrible offre : devenir le prochain Maugan. En franchissant ces portes qui n'existaient pas réellement, mais étaient plutôt la façon pour l'armure d'accueillir son futur occupant, il endosserait cette dernière. On aurait dit que tout la population du monde entier fixait Balthazar avant des yeux implorants pour qu'il accepte. Certes, il pouvait lutter, sortir de cette vision cauchemardesque, puis défoncer la porte de la crypte et s'enfuir... Mais le ferait-il?

Balthazar se releva durement après avoir repoussé la carcasse de Maugan toujours accôté contre lui. Il s'étira un peu, poussa un petit cri lorsqu'une vive douleur lui rappela qu'il avait toujours les côtes brisés et reprit conscience de ce qui lui était arrivé quelques secondes plus tôt. Maugan était sur lui, était presque arrivé à sa gorge sans que le garou ne puisse faire quoi que se soit, avait eu un ultime spasme, puis était mort. Comme ça, après tout le chemin parcourut pour le tuer, il mourait. Comme ça.

*Décevant*

Pensa-t-il. Il ne se doutait pas du tout que son pire combat était encore à venir. Un détail important allait cependant l'aider. Au moment même ou les deux ennemis avaient entendu la porte claquer, Balthazar s'était senti perdre en force, taille, instinct et appétit. L'absence de l'énergie lunaire en était la cause, il avait repris forme humaine. Il reprenait contrôle et lucidité en échange des nombreux avantages de combat, mais il n'aura plus besoin de ceux-ci pour la suite. Des murmures volaient dans la crypte, cognaient les parois et lui revenaient de tous sens. Il essaya sans succès de les déchiffrer, jusqu'à ce qu'une seule voix plus forte et plus grave s'imposa. Elle était calme et hospitalière. Il écouta son baratin sur la non vie puis prêta une plus grande attention lorsqu'on l'interpela. Une offre : vivre éternellement en tant que mort invincible ou mourir fièrement en tant que garou bien vivant. Un pacte avec le Diable - le Diable ou bien n'importe quel autre chef des zombies - en d'autres mots. Il était d'abord hors de question qu'il accepte mais plus il y réfléchissait, plus la proposition semblait alléchante. Le plus grand guerrier qui soit, il lui serait facile par la suite d'éliminer les zombies et ces futiles créatures blanchâtre que sont les vampires. De les exterminer un par un, de goûter à leur chair, déguster leurs organes internes. Puis, il ne lui restera qu'à se suicider, étant lui-même devenu un de ses monstrueux morts-vivants. Il lui aurait fallu une close, mais il savait qu'elle ne lui serait pas accordé. Balthazar s'assit sur le sol et réfléchissa. Il se sentait déchirer par deux côtés de sa personnalité. Son côté garou : fierté et vivacité et son côté humain : toujours en manque de pouvoir et de moyens pour accomplir ces buts. Il resta en cette position plus d'un deux heures pesant le pour et le contre. Puis, il se leva, ayant pris sa décison. Il se leva, marcha vers la poignée dorée qui se tendait, si attachante, devant lui. Puis, il se sentit de nouveau déchiré.

Oui, déchiré, au sens littéraire maintenant. Une créature assez grosse commençait à lui dévorer la peau dans le dos. Il fit un saut puis essaya de l'attraper mais il l'atteignait difficilement et elle était bien accroché. Elle rongea ses vêtement, sa peau et sa chair sans qu'il ne puisse rien y faire. Du sang coulait à ses pieds. La créature lui bouffa deux vertèbres et les cracha derrière lui ; il tomba à genou. Il était d'ailleurs surprenant qu'il arrive à tenir dans cette position. La créature se régala de son coeur et de son estomac qui tombèrent en lambeau derrière lui. Lorsqu'elle traversa son ventre, Balthazar était toujours à genou, les yeux écarquillés, il était cependant mort, même son cerveau continuait d'enregistrer des images. Celle de sa chair déchiquetée, de la créature poilue qui s'approchait de la poignée. Il la regarda avec interêt, se demanda comment lui, le grand Balthazar, qui avait tout vaincu, pouvait se faire terrasser ainsi. Lui qui, malgré de multiples blessures, un oeil en moins et des désavantages innombrables arrivaient toujours au bout de ses adversaires, pouvait avoir fait une aussi grande erreur et se laisser dévoré ainsi. Elle ouvrit la poignée grâce à sa grande mâchoire et avant de s'emparer de la belle armure, jeta un dernier regard à Balthazar.

Un regard bleu scintillant, un regard haineux et fier, un regard de vengeance. Le regard de Nightmare. Elle qui grâce à son unique tête, avait réussi à se détacher de son corps, avait rampé jusqu'à Balthazar simplement grâce à ce qui lui restait de cou movible, l'avait dévoré à travers son torse et rampait maintenant vers l'armure de Maugan.

Décidemment, Sombraville lui appartiendrait pour une nouvelle éternité...

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